Robert Rauschenberg, Erased De Kooning Drawing, 1054 |
"En 1954, Robert Rauschenberg obtint du peintre expressionniste américain De Kooning, qu’il admirait sincèrement, un dessin de sa main qu’il puisse effacer. Celui-ci accepta et l’œuvre existe sous le titre Erased de Kooning Drawing. Lorsque quelques années plus tard le critique d’art Leo Steinberg lui demanda s’il était utile, à son avis, qu’il se déplace pour la voir, l’artiste répondit : « je crois que non »…
Il n’importe guère qu’en l’occurrence, Rauschenberg ait eu probablement tort, et que la contemplation appliquée de cette œuvre soit une source irremplaçable d’émotions. Car cette jouissance elle-même n’est possible qu’accompagnée du savoirque cette feuille jaunie et piquetée est l’effacement d’un dessin unique, et est aussi jouissance à l’idée d’une œuvre qui n’est que l’effacement d’une autre, avec les questions sur l’art, sur l’héritage, sur le deuil, sur l’objet, qu’elle soulève. Bonheur d’un art qui aurait substitué, à la tâche ingrate de produire des objets, la vocation plus légère d’en dessiner le programme, d’un art dans lequel il y aurait parfaite substituabilité entre la réalité d’un objet et sa description, entre ce qu’il est et ce qu’on en pense, et même, plus précisément ce qu’on en dit, entre les occurrences d’un événements et les relations qu’on peut en faire, entre une œuvre et son commentaire. On pourrait sans doute fournir de l’art conceptuel - et à travers lui d’une grande partie de la création contemporaine - une présentation raisonnée en l’exposant comme autant de solutions à la question : comment produire des œuvres qui valent avant tout pour les idées qu’elles incarnent ? "
Ceci est un extrait de "Du conceptuel dans l’art et dans la philosophie en particulier"
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