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« L'œuvre
de Marcel Duchamp
(1887-1968) bouleverse radicalement l'art du 20e
siècle. Avec l'invention, dans les années dix, du ready-made
- une pièce que l'artiste trouve « already-made »,
c'est-à-dire déjà toute faite et qu'il sélectionne pour sa
neutralité esthétique -, il ouvre la voie aux démarches
avant-gardistes les plus extrémistes. Tous les mouvements qui
utilisent des objets de la vie courante, pour surprendre comme le
Surréalisme,
pour évoquer, critiquer, voire poétiser la société de
consommation comme le Pop
art et le Nouveau réalisme,
ou pour réconcilier l'art et la vie comme Fluxus,
lui sont redevables d'avoir transgressé les coutumes académiques.
Après Duchamp, le carcan des médiums traditionnellement employés
éclate et il devient possible d'utiliser n'importe quel objet, avec
ou sans transformation.
Man Ray, portrait de Marcel Duchamp, 1920
Le
20e
siècle lui doit donc l'initiative du renouvellement des matériaux
utilisés dans l'art, mais aussi un goût pour des questions
complexes d'esthétique qui aboutiront dans les années 70 à l'Art
conceptuel.
Duchamp est l'artiste moderne qui a le plus directement interrogé la
notion d'art - « quand il y a art » et ce qui « suffit
à faire de l'art ». Il s'inscrit dans la lignée des artistes
« intellectuels », comme Léonard
de Vinci,
et annonce les problématiques de Joseph
Kosuth. »
(Dossier du centre Pompidou)
Lorsqu'on
regarde le corpus d’œuvres laissé par Marcel Duchamp, on s’aperçoit
qu'il n'a pas vraiment cherché à donner une nouvelle représentation
du monde, comme ont pu le faire les cubistes ou les futuristes, mais
plutôt à réfléchir au moyen de présenter
une pensée ou une idée. Cette réflexion l’amènera à
expérimenter tant dans le domaine des matériaux de l'oeuvre, qu’a
son exposition ou sa diffusion.
Fontaine, 3e réplique, réalisée sous la direction de l'artiste en 1964 par la galerie Schwarz.
« Fontaine(en anglais : Fountain)
est un ready-made
consistant en un urinoir
en porcelaine renversé signé « R. Mutt » et daté 1917.
L'œuvre fut refusée lors de la première exposition de la Société
des artistes indépendants de New
York en 1917
avant de disparaître. Seules des répliques certifiées par Duchamp
dans les années
1960 sont aujourd'hui exposées dans
les musées. Fontaine
passe pour l'œuvre la plus controversée de l'art
du xxe siècle.
« (wikipedia)
The original Fountain by Marcel Duchamp photographed by Alfred Stieglitz at the 291 (Art Gallery) after the 1917 Society of Independent Artists exhibit.
Avec
cette œuvre Marcel Duchamp pose de façon radicale, mais avec
humour, la question des limites de l'Art.Pour
lui c'est le socle qui fait la statuaire.
Dès lors tout objet posé sur un socle par un artiste et exposé
dans un lieu dédie à l'Art devient une œuvre. Jusqu'aux rééditions
de 1964, l'oeuvre, cachée lors de l'exposition, n'était connue que
par une photographie d'Alfred
Steiglitz
(ci-dessus), publié dans une revue critique édité par
Marcel Duchamp pour diffuser ce travail et en justifier l'idée.
Autres ready-mades de Marcel Duchamp visible au musée Beaubourg de Paris
La mariée mise à nue par ses célibataires, même (le grand verre), 1915-1923
La
mariée mise à nue par ses célibataires, même (le grand verre),
1915-1923 « Sûrement
un des objets d'art les plus énigmatiques de l'histoire. Au Musée
de Philadelphie qui rassemble la collection de Louise et Walter
Arensberg, Le Grand Verre domine une galerie consacrée au
travail de Marcel Duchamp et se trouve à l'emplacement exact dans
lequel celui-ci l'a placé en 1954.
Minutieusement
exécuté sur deux panneaux de verre avec des matériaux peu
conventionnels comme une feuille de métal, un fil à fusible et de
la poussière, l'apparition du Verre est le résultat d'une
combinaison extraordinaire de procédures fortuites, à partir
d'études prospectives très poussées. » (cinéclub de
Caen.com)
Man Ray, élevage de poussière, 1920, photographie montrant le dépôt de poussière sur le grand verre, que Duchamp fixera par endroit
Oeuvre
difficile à reproduire dans les livres, du fait de sa transparence,
cette oeuvre semble combiner tout à la fois une réflexion
conceptuelle et surréaliste en utilisant des codes de la
représentation empruntés tant `la Renaissance (perspective) qu'au
futurisme (mouvement).
Installation view, Philadelphia Museum of Art, 1954, photo by Hermann Landshoff
La
mise en scène de l'oeuvre dans le musée, entre le petit verre
et une fenêtre donnant sur des sculptures extérieur réalisées par
l'une de ses maîtresse, fait partie du protocole de présentation.
Marcel DUCHAMP , le Petit Verre ou A regarder (l'autre côté du verre) d'un oeil, de près, pendant presque une heure, 1918
Sculpture
de voyage (Sculpture for Travelling),
1918, Buenos Aires
Avec
cette petite sculpture ludique en tissus, Marcel Duchamp pose le
principe de l'artiste comme nomade dont l'atelier est l'endroit où
il se trouve. Cette sculpture s'accroche là ou elle peux et annonce
les recherche sur l'informe de la fin des années 60.
Marcel Duchamp, Sculpture de voyage (Sculpture for Travelling), 1918, Buenos Aires, oeuvre perdue
Marcel Duchamp, Sculpture de voyage, 1913 reconstituée par Julio Villani, 2008
Tu
m’ 1918 69,8 x 313 cm huile et crayon sur toile, écouvillon, 3
épingles à nourrice, écrou New Haven, Yale University Art Gallery,
Katherine S. Dreier Bequest
« Tu
m’ est le dernier tableau de Marcel Duchamp. C’est une
commande destinée à la bibliothèque de sa mécène et
collaboratrice Katherine Dreier. L’œuvre est réalisée à la fin
de l’année 1918, peu avant que Duchamp ne parte à Buenos Aires où
il prend congé de l’art pour se mettre à l’étude des échecs.
Tu m’ est l’œuvre-charnière à partir de laquelle se
déploie le « silence » de Marcel Duchamp. Un silence qui malgré
la révélation posthume d’étant Donné a mis l’art occidental
hors de ses gonds.
La pièce
est remarquablement discrète. Et ésotérique. Marcel Duchamp la
présente comme un « inventaire » de ses ready-made, un exercice
plutôt ennuyeux auquel il se contraint pour répondre au désir de
la commanditaire (…)
Le terme
d’inventaire rappelle à la fois le mouvement d’in-venire,
de découvrir ce qui est déjà là, « tout fait, tout trouvé »,
pour reprendre la définition du ready-made, et le bénéfice
d’inventaire des commerçants : un catalogue, un récapitulatif, la
somme des biens en magasin. Ce qui résume et clôt une activité.
Duchamp ne fera plus de nouveaux ready-made.
Tu m’
est le dernier tableau mais aussi bien le premier stock que suivront
les Boîtes vertes et blanches, puis les Boîtes en valise
dans lesquelles Duchamp reproduit miniaturisées les œuvres de lui
qu’il aime le mieux. C’est également et par ailleurs la première
affiche publicitaire pour « les œuvres de Marcel Duchamp ». Un
tableau, donc, mais également une boîte, et aussi une affiche. »
(Catherine Perret)
Rrose
Selavy (Photographie de Man Ray), 1920
Dans
cette photographie, Marcel Duchamp se travestie pour s'inventer un
double féminin. Le nom de ce personnage fictif, en forme de jeu de
mot (Eros c'est la vie), sera utilisé comme signature de nombreuses
œuvres de l’artiste. Bien plus qu'une photo, ce travail se
place donc dans les racines de la performance et du body art, tout en
poursuivant de poser des pistes de réflexion sur l'auteur et la
signature.
Man Ray, Rrose Selavy, 1920
Autre geste de Duchamp pris en photo par Man Ray: une tonsure en forme d’étoile
Rotorelief,
1923
Ce
travail n'est au début pas pensé par Duchamp comme une œuvre
d'Art, mais comme un objet scientifique d'optique ludique, qu'il
présentera au concours Lepine dans le but d'une commercialisation.
Faisant face à un échec dans ce domaine, il utilisera cet objet,
aujourd'hui présenté comme une sculpture cinétique, pour réaliser
l'un des premier film de cinéma expérimental : Anemic
Cinéma.
La
boite en valise, 1935, 41
La boîte-en-valise, 1936/1968. Paris 1936 - New York 1941. Boîte en carton recouverte de cuir rouge contenant des répliques miniatures d'œuvres
La
boite en valise est un inventaire des œuvres de Marcel Duchamp
(peintures, ready-mades) sous forme de reproductions miniatures
édites en multiple dans une boite luxueuse.
A cheval entre l’édition d'Art de luxe et le mini-musée nomade,
cette proposition ludique devient la pierre angulaire d'une réflexion
sur le statut de l'oeuvre, sa présentation, sa diffusion...
Cette sympatrique mise en abyme permet aussi à Duchamp de s'amuser
de l'infini recyclage d'une petite quantités d'oeuvre et d'idée qui
jalonne son parcours.
Ciel
de roussettes (1200
sacs de charbon suspendus au plafond au-dessus d'un poêle), détail,
1938, Exposition
Internationale du Surréalisme,
Paris, janvier-février 1938.
Invité
à l'exposition de ses amis surréalistes en 1938,
Marcel Duchamp, qui ne produit plus d'oeuvre d'Art, construit cette
installation in situ que l'on peux classer dans la catégorie
environnement car il convoque tout les sens du spectateur.
« L'artiste
conçoit le hall principald'exposition pour
ressembler à une grotte souterraine avec 1200 sacs de charbon
suspendus au plafond (en remplacement de parapluies prévus au
départ). Une seule ampoule fournissant l’éclairage, une lampe de
poche est donnée à chaque visiteur pour contempler les oeuvres à
l'intérieur. Le tapis est rempli de feuilles mortes, de fougères et
d'herbes, et l’arôme de torréfaction du café remplit l'air. Des
hauts-parleurs diffusent des bruits de bottes de soldats et des rires
hystériques de malades mentaux. «
(http://artplastoc.blogspot.com/)
Il
exécutera une intervention similaire, lors de l'exposition First
Papers of Surrealism en1942,
parasitant le lieu en déroulant un réseau de fils, comme une toile
d'araignée. Ce geste provocateur, qui influe directement sur le
visiteur et lui donne donc une place centrale (sans spectateur pas
d'Art dit Duchamp) est une sculpture
in situ.
Etant
donnés : 1°) la chute d'eau, 2°) le gaz d'éclairage ,1966,
Montage de divers matériaux : vielle porte en bois, briques,
velours, bois, cuir tiré sur une trame en métal, branchage,
aluminium, fer, verre, plexiglas, linoléum, coton, lampes à gaz,
moteur, etc., 242,5x 177,8, 124,5, Musé de Philadelphie, donation
Fondation Cassandra
« Pendant
vingt ans, Duchamp élabora secrètement Etant donnés..., alors que
tout le monde, y compris ses proches, pensaient qu'il avait cessé de
créer.
Il signa
cet environnement complexe en 1966, spécifiant à sa femme et à
Bill Copley qu'il ne devait être montré qu'à après sa mort. Le
jour venu, Etant donné… fut donc démonté, transporté et remonté
en trois mois à partir d'un manuel intitulé Approximation
démontable, exécuté entre 1946 et 1966 à New-York ("par
approximation, j'entends une marge ad libitum dans le démontage et
le remontage", et présenté au public.
Au musée
de Philadelphie, dans une salle exclusivement réservée à cette
œuvre, on ne voit d'abord qu'une grande porte en bois (venue de
Cadaqués) percée de deux petits trous à hauteur de regard. La
scène que l'on découvre en y portant les yeux se compose d'un mur
intérieur en briques, dans lequel une brèche fait apparaître une
femme nue couchée sur le dos à même le sol couvert de branchages,
les jambes écartées, tenant dans la main gauche tendue un bec Auer
- dont la lumière est en l'occurrence électrique. Le corps de la
femme est en plâtre recouvert de peau de porc, ce qui donne une
apparence charnelle très vivante. Au fond de l'installation on
distingue un paysage en trompe l'œil qui est une photographiée
coloriée à la main. Au devant de cette vue coule une chute d'eau,
réalisée en illusion optique à l'aide d'un tambour rotatif percé
de trous, et d'un projecteur.
Cette
conclusion ultime de l'érotisme duchampien peut s'interpréter comme
un hymne à la femme- éternellement désirée (ou source de
frustration)_ mais également comme une démonstration que l'œuvre
d'art n'existe que par la participation du spectateur voyeur. »
(http://www.cineclubdecaen.com/)
Cette
œuvre, encore une fois à l'avant-garde de toute production
artistique, est une des première installation de l'histoire.
La porte, seul élément visible de l'oeuvre au mus´´e, envoyé par Dalì à Duchamp depuis Cadaques
On regarde par un petit trou...
Pour voir ceci...
Vue complète de l'oeuvre
Autre vue
Schéma du dispositif
Ce dispositif s'inspire d'une méthode de dessin de la Renaissance, illustré ici par une gravure de Durer. L'oeuvre évoque aussi l'origine du monde de Courbet.
Pour terminer cet entretient de Duchamp lors de la réédition des ready-made dans les années 60.