Joseph Vernet (1714-1789) s'est illustré comme peintre de marine, devenant une référence du genre en europe.
Avant Vernet, la peinture de marine est un genre pictural qui se développe doucement au XVII, principalement en Europe du Nord, avec des peintre comme Hendrick Cornelis Vroom, Willem Van de Velde, ou Lodolf Backhuysen, maître hollandais de la tempête.
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| Cornelis Vroom. Paysage fluvial avec ruines romaines imaginaires (1621-31) Huile sur bois, 29,5 × 60 cm, Frans Hals Museum, Haarlem. |
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| Willem Van De Velde, La rafale, 1680 |
En Italie ou Vernet va passer une vingtaine d'année et connaître la célébrité, il faut attendre le XVIIIième siècle de Venise avec Canaletto, Belotto (Vue de Verone) et Guardi. Mais à Rome déja, les frères Bril ou Claude Gellée avaient posées quelques jalons du genre. Aux côtés de Gellée à Rome il faut citer Salvator Rosa qui influencera beaucoup le jeune Vernet à son arrivée dans la capitale Italienne.
La tradition romaine de peinture de Marine se poursuit avec avec Adrien Manglard, peintre de peu de renom qui continue la tradition des Bril et Poussin et qui sera le maître de Vernet.
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| Fransesco Guardi, Le Doge sur le Bucentaure, 1780 |
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| Claude Gellée, dit Le Lorrain, le débarquement de Cléopatre à Tarse, 1642 |
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| Salvator Rosa, Harbourg, 1641 |
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| Adrien Manglard, Marine, Non datée |
Claude-Joseph Vernet né en Avignon (France), le 14 Aout 1714, d'Antoine Vernet, modeste peintre de chaises à porteur et décorateur et dont plusieurs des sept enfants suivront la profession paternelle.
Après l'apprentissage paternel, il continue sa formation à Aix en Provence en 1731 chez Jacques Vialy, peintre décorateur, et peut-être chez JB De La Rose, longtemps directeur de peinture à l'Arsenal de Toulon où il commence déjà à se spécialiser dans les paysages de marines.
En 1932 il est à Rome où il ne peux entrer à l'académie de France au palais Mancini, à cette époque moribonde (Subleyras), car il est simple peintre de paysage mais fréquente les artistes et entre dans l'atelier d'Adrien Manglard, ce qui sera décisif pour l'évolution de son style. En 1737 il voyage à Naples mais ces années d'apprentissage ont surement été très dur financièrement si l'on en croit ses livres de comptes.
Mais le succès et les commande viennent rapidement avec des tableaux de qualités, comme les vues de Naples, le Ponto Rotto ou le Brouillard du matin.
Le 22 Novembre 1745, il épouse à 31 ans Virginia Parker, fille d'un capitaine du Pape irlandais réfugié à Rome, Marc Parker. Ils auront quatre enfants dont certains seront liés aux métiers d'Art.
C'est une période faste, tant sur le plan des ventes que de la vie culturelle. Son chef-d'oeuvre Tivoli annonce déjà le style d'Hubert Robert:
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| Joseph Vernet, Ponto Rotto à Rome, 1745 Musée du Louvre |
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| Joseph Vernet, Vue du golf de Naples, 1748 Musée du Louvre-Lens |
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| Joseph Vernet, Brouillard le matin |
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| Louis Michel Van Loo, Portrait de Virginia Vernet Parker, 1767 Institut Calvet |
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| Joseph Vernet, Tivoli, 1748 Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris |
Il obtient aussi un grand succès à cette époque avec ses scène de Naufrage. Dans sa biographie de Vernet de 1926, Florence Ingersoll-Smouse est assez critique avec ce sujet qu'il déclinera tout au long de sa vie:
" (...) avec ses naufrages on aborde la partie de son oeuvre dont la valeur artistique est la plus discutable, mais dont l'importance historique est très grande. Si tout l'Art de Vernet, et son enorme popularité au XVIII ième siècle, s'explique par le mouvement des idées du temps, et en particulier par le retour à la nature dont Rousseau allait se faire l'apôtre, ceci est surtout vrai de ses naufrages dont la portion raffinée du public raffolait.
En effet cette partie de l'Art de Vernet constitue une des manifestation les plus significative de cette sensiblerie qui caractérise la seconde moitié du XVIII ième siècle français et anglais. Ses naufragés aux gestes convenus, ses femmes évanouies (...), ses vieillards à genoux, lui donne une place peu enviable à côté de Greuze, le peintre de la sentimentalité bourgeoise par excellence.
Il ne semble pas que cette tendance à l'affadissement soit le fait de Vernet, mais qu'elle lui fut plutôt imposé."
C'est vraisemblablement l'engouement du public et des critiques, dont Diderot qui deviendra son ami à Paris, qui l'incite à produire une grande quantité de tableaux sur ce thème, s'auto-parodiant lui-même dans les dernières années de sa vie.
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| Joseph Vernet, Naufrage, 1759 |
C'est à partir de 1751 qu'il fait plusieurs séjours en France, à Marseille notamment, pour préparer un retour contre son grès dans un pays qui ne l'attends pas spécialement ; Son beaux-père étant inquiété par l'inquisition, il doit quitter l'Italie, ainsi que sa famille.
C'est en octobre 1753 que le Marquis de Marigny, Abel Poisson, lui obtient une commande pour le Roi de France Louis XV, dit le bien-aimé, de vingt-quatre (ou douze selon les sources) vues des grands ports du Pays. Le Marquis de Marigny, frère de madame de Pompadour, remplit les fonctions de surintendant des bâtiments de 1751 à 1773.
La commande consiste en un itinéraire précis, des vues topographiques précises et définies à l'avance sur des toiles au format arrêtées.
L'itinéraire commence à Marseille, port de commerce le plus important de la côte méditerranéenne, où il reste presque un an pour s'acquitter de sa tâche.
Il en réalise deux vues, l'une intérieur et l'autre extérieur. La seconde est interessante car on y voit le peintre, accompagné de sa famille, en train de dessiner le plus vieil habitant de Marseille, Annibal Camoux. On y trouve ce qui fera la succès de cette série de tableau au cadre bien ingrat, à savoir l'alliance de la précision topographique à la documentation presque sociologique de son époque, avec ses métiers, sa mode, ses jeux, ses loisirs, son architecture...
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| Joseph Vernet, l'interieur du port de Marseille, vue du pavillon de l'horloge du parc, 1754 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
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| Joseph Vernet, Entrée du port de Marseille, 1754 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
Après un passage par Bandol où il peint la pêche au thon qui lui à été demandée sur l'itinéraire, il se dirige vers la ville toute proche de Toulon.
Si Bandol, grâce à l'île de Bendor, ou Hyères, ont longtemps été des concurrents possible à l'établissement d'un port militaire s'est Toulon, port de guerre depuis Charles VIII (XVième siècle), c'est avec Colbert au XVIIième siècle sous Louis XIV que la ville prends un place véritablement stratégique dans la marine militaire française, grâce à la forme de sa darse et à son grand tirant d'eau.
Sur la pêche au thon il faut souligner que Vernet, ayant un peu de liberté, s'amuse à présenter une "partie de plaisir", où la noblesse en grande tenue s'approche de la prise au filet d'une grande quantité de poisson. Si Bandol est un port de pêche reputé, le lieu de la Madrague en est en peu éloigné, puisqu'il appartient aujourd'hui, sa plage et son petit port de plaisance à la commune de Six-Four. On y voit au loin la ville de la Ciotat et son fort (qui n'existe plus), l'île verte face au parc du Mugel avec son rocher caractéristique, le bec de l'aigle et on devine toute au fond l'île Riou dans la baie de Marseille.
Ce tableau fait donc la jonction entre les ports de Toulon et Marseille.
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| Reproduction d'une carte de 1700 |
| Joseph Vernet, La Madrague, ou la pêche au thon dans le golf de Bandol, 1755 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
Joseph Vernet reste à Toulon avec sa famille de 1754 à 1756, presque deux ans, pour y peindre trois vues. C'est le port qui bénéficiera du plus grand nombre de vues, attestant l'intérêt de Louis XV pour cette place militaire dont Vauban à terminé les derniers agencements stratégiques à la suite de Colbert. Un grand nombre de bâtiments militaire s'y trouvent, ainsi que les galères, alimentées par le bagne installé dans la ville en 1748.
Pour Florence Ingersoll-Smouse, la vue de la rade depuis le Mont-Faron, "adorable scène de genre", est le meilleur tableau de toute la série des ports. La bourgeoisie locale, sur la terrasse d'une bastide privée, s'y adonne aux plaisirs de l'époque (chasse, équitation, pétanque). Entre la célèbre rade militaire et le premier plan, on distingue le centre ville mais aussi les cultures spécifique qui alimente la région et le pays (orangers en pots sur les balustrade qui sert pour la fleur d'oranger, olives pour l'huile, vigne pour le vin... La petite noblesse de Toulon s'est bâtie sur la possession terrienne et l'artisanat en draperie et savonnerie).
Les deux autres vues, celles du Pont-Neuf prise à l'angle du parc d'artillerie au matin et la vue du vieux port prise du côté des magasins aux vivres au coucher du soleil, forme comme un triptyque de l'activité militaire et économique de la ville (un port militaire emploie de nombreux ouvriers civils) sur trois moments de la journée.
Dans la dernière toile du triptyque, nous somme sur le quai du parti où se prépare une expédition de douze-mille hommes vers l'île de Minorque. Au bord du quai s'entasse les sacs de farine et de céréales ainsi que les jarres d'huile, le vin est transvasé dans des tonneaux et des meules de gruyères sont roulées vers les barques qui se dirigeront ensuite vers la flotte qui suivra le vaisseau principale conduit par le lieutenant général de la Galissonnière, Le Foudroyant, possiblement le plus gros des vaisseaux au mouillage sur l'image. A droite est représenté une partie de navire spécifique à la méditerranée, nommé l'Hirondelle et construite à Toulon en 1742.
Quelques animaux seront emportés vivant mais la plupart attendent leur tour pour passer à l'abattoir sur la gauche, afin de compléter les stock de viande séchée. La scène est est observée par quatre bagnards enchainés et dirigée par Monseigneur de l'Epine, directeur des vivres (en rouge), le commissaire Carnot chargé de l'inspection (penché avec sa canne) et un officier des Compagnies Franches (en jaune).
Il peint le port d'Antibes durant les mois passés à Toulon dans une charmante petite scène de genre.
| Joseph Vernet, L'arsenal de Toulon dans l'angle du parc d'artillerie, 1755 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
| Joseph Vernet, La ville et la rade de Toulon, 1756 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
| Joseph Vernet, Le port vieux de Toulon, 1757 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
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| Carte de Toulon de 1707 |
| Joseph Vernet, Vue du port d'Antibes, 1757 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
Il profite d'une pause dans sa ville natale d'Avignon avant d'entamer les vues du port de Sète, dont le ciel ombrageux évoque bien son expérience négative de son séjour (il parle dans sa correspondance d'une "méchante petite ville"), puis des deux vues du port de Bordeaux où il reste près de trois ans.
Il faut préciser que si le travail topographique est rigoureux, sur la base de relevés précis et d'observation in situ, les tableaux de Vernet sont le fruit d'un travail d'atelier et qu'il prends donc beaucoup de liberté dans le décorum. L'avant scène de la vue de la rade de Toulon par exemple est entièrement fictive et la fontaine à droite n'existe absolument pas, alors qu'il existe de nombreuses fontaines, dont certaines du célèbre sculpteur local Pierre Puget. Cette information est importante à souligner dans le cadre de la thématique "augmenter, documenter le réel" en le mettant en perspective par exemple avec le travail rigoureux de Rosa Bonheur sur son approche du ton local et ses nombreuses esquisses peinte, là ou Vernet se contente de quelques dessins rapidement annotés pour le coloris.
| Joseph Vernet, La vue du port de Cette (Sète), 1757 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
| Joseph Vernet, Vue d'une partie du port et de la ville de Bordeaux, 1759 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
| Joseph Vernet, Vue d'une partie du port de Bordeaux, 1759 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
Après Bordeaux ce sera Bayonne puis Rochefort, La Rochelle et Dieppe. Mais on constate dans les lumière que Vernet est bien un peintre de la Méditerranée et des lumière du sud. Il est épuisé par sa vie nomade qui impacte fortement sa famille (sa femme est internée pour des épisodes de démences) et les caisses de l'état sont vides, rendant difficile le paiement d'un projet qui n'a plus la même priorité qu'il y a dix an, la France s'étant séparé d'un bon nombre de bâtiments de guerre, ancien et couteux à entretenir en temps de paix. C'est la fin de la série des ports de France, dont la valeur artistique s'ajoute à celle documentaire et historique qui en font sa gloire dans le temps par rapport aux autres peinture de marine plus imaginaires, dont les gout et les modes ont effacés l'intérêt publique.
| Joseph Vernet, Vue de Bayonne, 1761 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
| Joseph Vernet, Vue du port de Dieppe, 1765 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 cm Louvre |
Après cette vie itinérante, Joseph Vernet se fixe à Paris. Il vit au palais du Louvre selon le bon vouloir du Roi où sont rassemblé la plupart des artistes de son époque comme Greuze (auquel il sera comparé pour son style moraliste sur la dernière période artistique), Fragonard, Boucher, Chardin ou Hubert Robert qu'il inspirera.
Avec le succès de ses œuvres aux salons et la vente prospère de ses gravures, il vit largement et profite des mondanités de la capitale, ce qui n'est pas sans effet sur son travail, ajouté à son âge grandissant (il a alors 52 ans) au fur et à mesure de ces années. Il fréquente Diderot et arrive au point culminant de sa réputation. Florence Ingersoll-Smouse évoque cette période comme une perte de contact avec la nature et la répétition de même motifs avec les mêmes pêcheurs, les mêmes baigneuses et les mêmes naufragés.
De cette époque nous avons plusieurs portraits intéressants du peintre.
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| Charles Nicolas II Cochin et Jacques-Phillipe Le Bas, La ville et la rade de Toulon d'après Joseph Vernet, 1762 gravure Musée d'Art et d'Histoire de Genève |
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| Alexandre Roslin, Portrait de Joseph Vernet, 1767 |
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| Louis-Michel Van Loo, Portrait de Joseph Vernet, 1768 |

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