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| La première représentation du blasonnement actuel aux couleurs de la ville remonte à 1494 |
Toulon, qui tire ses richesse de la mer (sel et poisson) fût une ville romaine, érigée en évêché en 451. En 1471 la ville n’a pas plus de deux mille habitants. C’est à cette période que le comté de Provence est rattaché à la couronne de France et que les Valois, puis les Bourbons en feront un grand port de guerre. Marseille de son côté développe d’avantage le commerce. Toulon, né avec Charles VIII, devellopé par François 1er et Henri IV est donc un port développé par les rois de France, un port royal.
C’est avec Louis XIV que se développe le port militaire, qui devient le siège d’une intendance de la marine dès 1659. Les toulonnais y seront nombreux à exercer des fonctions militaires (le commandant Louis de Martini d’Orves, le chef d’escadre Beaussier de L’Isle) et certains figurent en bonne place sur les trois toiles de Joseph Vernet.
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| Jean Mauger, Louis XIV, le port de Toulon, 1680 Paris (Source inumis) |
On peux situer la naissance d’une « ville arsenal » autour de 1610 avec la vocation de construction et de réparation de navires. Le choix en a été fait grâce a son grand tirant d’eau et des différents forts stratégiques qui protègent sa darse, dont la tour royale et le fort Balaguier qui en protège l’entrée et qui sont visible net sur le tableau de Vernet. Ces aménagements doivent beaucoup à Richelieu, Mazarin puis à Colbert.
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| La tour royale |
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| Fort Balaguier |
La présence du Mont Faron, barre rocheuse culminant à 584 mètres, permet aussi une protection de la cité coté terre. C'est de ces hauteurs que Vernet peindra la vue générale de la rade, illustrant sa topologie stratégique.
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| Henri Pertus, Le Faron, 1962 sérigraphie format raisin |
Sous Louis XIV c’est Mazarin qui prend en main le chantier toulonnais, y faisant travailler des sculpteurs locaux comme Nicolas Levray ou les frères Puget (Gaspard l'architecte et Pierre l’artiste) qui orne les monuments, fontaines et vaisseaux de lignes.
Pierre Puget (1620–1694) est un sculpteur, peintre et architecte français, figure majeure de l’art baroque en France. Originaire de Marseille, il a marqué l’histoire de l’art par ses œuvres dynamiques et expressives, comme Milon de Crotone ou Persée et Andromède. Puget a travaillé à Toulon, notamment sur la décoration du port et de l’arsenal, où il a réalisé des sculptures monumentales pour glorifier la puissance navale de Louis XIV. Son héritage artistique reste étroitement lié à la région, illustrant le lien entre art et pouvoir à l’époque classique.
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| Pierre Puget, Milon de Crotone, 1671 musée du Louvre |
C’est Pierre Puget qui réalise en 1654 les atlantes qui orne l’hôtel de ville construit en 1610 et qu’on retrouve dans le roman les Misérables de Victoire Hugo. Il réalise aussi le dessin du portail et le buste du roi qui se trouve à l’intérieur, qui sera détruit à la Revolution. La ville fourmille de fontaine, afin d’éviter la propagation des maladie comme la peste dues au mouvement de population, dont celle des trois dauphins de 1626 est toujours en place à l’actuelle place Puget. C’est probablement pourquoi Joseph Vernet à placé une fontaine de style classique dans sa vue de la rade.
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M. A. Lachevard, illustration de cariatides à l'hôtel de ville de Toulon, par Puget, 19ème sièclepubliés dans le magasin Pittoresque |
A la mort de Mazarin, Colbert fait de Toulon une place de guerre, porte d’entrée du royaume et pôle militaire d’importance et réalise des travaux sur des plan de Gaspard Puget. En 1669 Colbert renforce les infrastructures de la ville. Une ordonnance royale interdit la vente des arbres portant le poinçon aux armes du roi surmontant une ancre, ce bois étant sélectionné pour la construction navale. A Paris, des artistes pensent la décorations des projets navaux, Charles Le Brun, puis plus tard Jean Berain. Les sculptures décorants les vaisseaux sont confiés à Pierre Puget à qui succéderont entre autre ses élèves Christophe Veyrier, Bernard Turreau (dit Toro), Antoine-François Vassé, Lange Maucor (ou Jean Ange Maucord) et Antoine Gibert, ces trois derniers étant contemporains de Joseph Vernet. Une « école de Puget » prend naissance à Toulon sous la direction du sculpteur après son voyage à Gênes et quartantes sculpteurs y travaillent aux figures de proue et aux balcons des châteaux arrières de vaisseaux comme le Provençal, qui sera construit entre 1666 et 1667. Jean-Baptiste De La Rose dirige lui l’atelier de peinture.
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| Antoine Gibert, Cariatide de poupe, sirène, fin 18ième Musée National de la Marine |
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| Jean-Baptiste De La Rose, Atelier de carenage à Toulon, 18ième |
En 1669, l’architecte militaire royal Vauban visite Toulon et fait des propositions de projets. Pour l’architecte « la rade de Toulon est la plus belle et la plus excellente de la Méditerranée, de l’aveu de toutes les nations ». Il reprend la darcène, que Jean-Baptiste de la Rose représente en ruine dans sa vue de Toulon de 1669 et la Tour Balaguier que l’on peux voire dans le tableau de Vernet et qui est aujourd’hui un musée. Victor Hugo portera aussi un avis semblable sur le port. « Le port de Toulon est peut-être, après celui de Brest, le plus beau port de France. […] C’est là que sont amarrés les vaisseaux de l’État qui portent les forçats. » (Les Misérables, Livre deuxième, La Chute, partie Fantine)
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| Sebastien Vauban, Plan de Toulon |
1748 est un tournant important pour la ville car le bagne s’y installe et les galères disséminé en Méditerranée, notamment à Marseille, sont rassemblée dans le port. La vie des forçats sera bien décrite dans le roman Les Misérables de Victoire Hugo en 1862. Les bagnards enchainés, sont visibles dans l’une des trois vues de Toulon de Vernet. « Toulon est le lieu des condamnations à perpétuité. C’est là que se trouve le bagne, ce mot sinistre qui semble fait avec un souffle de l’enfer. » (Livre deuxième, La Chute, partie Fantine).
Un passage célèbre du livre évoque d’ailleurs les sculptures de Puget:
" Un détail que nous ne devons pas omettre, c’est qu’il était d’une force physique dont n’approchait pas un des habitants du bagne. À la fatigue, pour filer un câble, pour virer un cabestan, Jean Valjean valait quatre hommes. Il soulevait et soutenait parfois d’énormes poids sur son dos, et remplaçait dans l’occasion cet instrument qu’on appelle cric et qu’on appelait jadis orgueil, d’où a pris nom, soit dit en passant, la rue Montorgueil près des halles de Paris. Ses camarades l’avaient surnommé Jean-le-Cric. Une fois, comme on réparait le balcon de l’hôtel de ville de Toulon, une des admirables cariatides de Puget qui soutiennent ce balcon se descella et faillit tomber. Jean Valjean, qui se trouvait là, soutint de l’épaule la cariatide et donna le temps aux ouvriers d’arriver. "
Les Misérables (Livre deuxième, La Chute, partie Fantine)
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| Emile Bayard, Illustration pour les Misérables, 1862 |
Dans son livre Toulon Port Royal, Michel Vergé-Franceschi évoque la ville au dix-huitième siècle: « Jusqu’en 1755, date de l’arrivée de Vernet, Toulon ne change guère. Le forçats travaillent: le port comptant deux milles galériens et esclaves « turcs », on construit pour eux à partir de 1751 un cimetière au Mourillon, car ils étaient alors inhumés dans un coin de l’ancien cimetière Sainte-Croix. (…) De ce Toulon de l’entre-deux-guerre, on a une vue précise. D’une part grâce au Répertoire des maisons du port par rue avec nom de l’habitant ou du propriétaire (1754), d’autre part grâce aux trois tableaux réalisés par Vernet en 1755-1756. Toulon en 1754 compte soixante-dix-huit rues « très impraticables » disait-on en 1731. Elles sont bordées par un peu plus de deux mille maisons d’environs dix toises chacune (= moins de 20 mètres), comptant en gros une dizaine de personnes. Toutes sont rassemblées à partir de la cathédrale que Duparc (Albert) à orné d’une belle facade en 1696 (…) »
Vernet quitte Toulon au début de la guerre de sept ans (1756-1763), premier conflit mondiale qui fait suite à la guerre de succession d’Autriche. C’est une période dense en activité militaire et les chantiers navals toulonnais sont à plein régime.
| Joseph Vernet, L'arsenal de Toulon dans l'angle du parc d'artillerie, 1755 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 m Louvre |
« Toulon en 1754 oppose le bleu de la Méditerranée aux verdures environnantes: verdure des prairies des zones marécageuses du débouché de l’Eygoutier ou du Las, là où chevaux, ânes et mulets se ravitaillent en herbe; ; verdures des pentes du Faron où dominent les chênes kermès qui permettent la récolte des cochenilles dans les « vermeillères » du Faron et alimentent les teintureries. Toulon est une ville artisanale: dès 1450, existait au port au moins une savonnerie, faubourg du Portalet. (…) Dès 1620; Toulon possède des fabriques: fabriques de chapeaux, manufactures de drap, métiers pour la bonneterie, teintureries pour la laine et la soie, manufacture de cotonnades pour la toile à voile. » (Toulon Port Royal)
| Joseph Vernet, La ville et la rade de Toulon, 1756 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 m Louvre |
C’est ce contexte de bourgeoisie commerçante ou paysanne et de petite ou fausse noblesse provinciale qui est immortalisé dans La ville et la rade de Toulon de Joseph Vernet avec sa « partie de plaisirs » qui occupe le premier plan et qui sera présenté au Salon de Paris en 1757 au coté des deux autres vues de l’intérieur du port qui présente d’avantage l’activité économique et militaire du port. Vision idéalisé et mise en scène comme l’écrit Michel Vergé-Franceschi :
« On y voit les officiers du grand corps vêtus de rouge, avec leurs manches relevées de galons d’or, leur cordon rouge de Saint-Louis ou leur croix de Malte. Les femmes sont présentes, surtout celles de la haute société, dans leurs robes de soie décorées de dentelles et protégées de fines ombrelles. Vernet oppose dans ces toiles le monde des ouvriers et celui des élites. Ses élégantes visitent le parc d’artillerie au milieu de la sueur des ouvriers en train d’Alésia un canon de fer ou de nettoyer l’âme d’un autre. Vernet à « photographié » les bombardiers à l’exercice comme les officiers en visite dans une bastide du Faron. Sa peinture transforme Toulon en jardin Versaillais. (…) La clareté du ciel et la limidité de la mer font un peu trop oublier que Toulon ne sent pas seulement la fleur d’oranger. Les odeurs de peinture et de goudron chaud, la chauffe des coques à restaurer et les jointures des coques à boucher imposent au port des odeurs estivales que la fleur d’oranger domine mal lorsque les mouches tournent autour des seilles qui regorgent d’ordures à l’angle de chaque rue, tas d’immondices et d’excréments que les orages conduisent à la darse. Vernet offre de Toulon une vision paradisiaque qui ne correspond guère à ce qu’était un port ravagé par la peste et ou le seul tombereau d’ordure quotidien en 1782 ne pouvait assurer une quelconque propreté. Vernet, peintre de l’effort réalisé sans transpiration et avec le sourire, nous peint des quartiers de viande déposés à même le quai sous l’œil d’une officier de plume de façon telle que nous admirons son uniforme, sa canne, ses escarpins et sa perruque poudrée sans être effrayés par le manque d’hygiène de la scène, un chien reniflant la viande exposée par terre à une température de 30*C ! Lorsqu’il quitte Toulon début juillet 1756, Vernet a fixé cette idyllique vision du port et y a assisté au triomphe de l’escadre toulonnaise de la Galissonnière qui vient de s’emparer de Minorque »
| Joseph Vernet, Le port vieux de Toulon, 1757 Huile sur toile, 1,63 x 2,63 m Louvre |
La critique acerbe de Michel Vergé-Franceschi est celle d'un historien qui cherche l'histoire dans l'Art. Pour Florence Ingersoll-Smouse, historienne de l'Art, la vue de la rade depuis le Mont-Faron, "adorable scène de genre", est le meilleur tableau de toute la série des ports.
Joseph Vernet quitte Toulon au début de la guerre de sept ans.

Léon Morel-Fatio, Le Port de Toulon, 1810











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