vendredi 28 avril 2017

L'oeuvre de la semaine: Les mécènes des Oeuvres au programme


Un mécène est une personne qui apporte un soutien financier à un artiste. Le mot viens d'un homme politique de la Rome antique, Caius Cilnius Mæcenas, ayant consacré sa fortune à promouvoir les Arts et les Lettres.

La Villa Barbaro di Maser peinte par Veronèse est la propriété des frères Barbaro, personnages politiques riches et influents de la République de Venise.
Daniel Barbaro (1514-1570) est un mathématicien, astronome et musicologue connu pour sa traduction en italien du traité latin De Arcitectura de Vitruve (vers -15 AV JC)

Paolo Veronèse, Portrait de Daniel Barbaro, 1556

Dans ce portrait peint par Véronèse, il est représenté avec ce fameux traité, que l'on voit agrandie dans le détail ci-dessous. Avec cette image il impose au monde une image d'homme de lettres.


Veronese, Portrait de Daniele Barbaro, 1562-1570

Une page du traité d'architecture de Vitruve. Ce texte est le plus ancien traité d'architecture connu.

 De Architectura, edition de Daniele Barbaro, 1557
 Daniel Barbaro est aussi l'auteur d'un traité sur la perspective, pratica della perspectiva (1568) et d'écrits sur les effets de la peinture murale sur le spectateur. C'est donc un mécène qui pratique le dessin, écrit des livres de référence pour le milieu artistique et s’intéresse de très près à l'architecture.

Daniel Barbaro, Couverture du livre La Pratica della Perspettiva, Venise 1568

Page du traité de perspective

Mercantonio Barbaro (1518-1595), son frère est un homme politique pratiquant les Arts (dessin, peinture, sculpture...)

Tintoretto, Portrait de Marcantonio_Barbaro, 1593

Portrait de Marcantonio Barbaro attribué à Paul Veronèse
 Sur le plafond de la Villa Barbaro on retrouve un portrait de femme sur un balcon que l'on pense être la femme de Daniel Barbaro.



La villa Barbaro, construite entre 1550 et 1560, à Maser, dans la campagne vénitienne est conçu comme un manifeste pour imposer une nouvelle esthétique architecturale.  Elle à été construite par l'architecte Palladio, en étroite collaboration avec Daniel Barbaro.
Plus d'infos sur la Villa et la famille Barbaro ici:

Vue aérienne le la Villa Barbaro

Dessin axonométrique de la Villa Barbaro avec coupe du bâtiment principal 
Barbaro est une famille patricienne et noble de Venise, venue de Trieste au ixe siècle. Ils occupèrent des emplois publics dès 992, tel que procurateurs de Saint-Marc, sénateurs, ambassadeurs et généraux. Ils rejoignirent la noblesse par cooptation en 1310 à l'issue de la guerre de Gênes.
  • Francesco Barbaro fut au xve siècle chevalier et procurateur; il défendit Brescia contre Visconti, duc de Milan ; il fut envoyé ambassadeur auprès de l'empereur Wenceslas.
  • Antonio Barbaro se distingua comme duc de Candie (1667) et ambassadeur à Rome; ses richesses servirent à refaire la façade de l'église Santa Maria del Giglio en marbre grec et d'y placer la statue de Francesco Barbaro.
  • Hermolao Barbaro(1454-1493), ambassadeur auprès d'Innocent VIII, fut fait patriarche d'Aquilée contre l'avis de Venise; il édita lHistoire naturelle de Pline corrigée, un abrégé de Philosophie, des questions de géométrie et de Médecine, des lettres et traités sur diverses matières.
  • Nicolò Barbaro (1420-1494), ambassadeur de Venise à Constantinople en 1453.
  • Josaphat Barbaro, explorateur.
  • Daniel Barbaro, diplomate et écrivain (1514-1570). (source Wikipédia)

Le blason de la Famille Barbaro

La famille Barbaro est puissante et influente dans la région de Venise. Ils possèdent plusieurs palais dans différents points de la Ville dont voici quelques exemples:



Veronèse, comme beaucoup d'artistes de l'époque, travaille presque exclusivement sur commande et fera de nombreuses fresques pour la République de Venise.
En voici une chronologie sélective:
"En 1548, il quitte sa ville natale et, grâce à sa renommée grandissante, il obtient et exécute plusieurs commandes. Il se rend quelque temps à Trévise où, en 1551; l'architecte Michele Sanmicheli le charge, avec le peintre Giovanni Battista Zelotti de décorer la villa Soranza, près de Castelfranco Veneto, qu'il venait de construire. Son travail y est remarqué par le cardinal Ercole Gonzague qui, l'année suivante, lui commande un tableau pour la cathédrale de Mantoue, la Tentation de saint Antoine (musée des beaux-arts de Caen).
Par la suite, il décore la villa Emo à Fanzuolo, un hameau de la commune de Vedelago dans la province de Trévise, construite par l'architecte Andrea Palladio, qu'il avait rencontré à Vicence. On lui confie également la décoration du palais du Collatéral, à Thiene où, toujours en compagnie de Giovanni Battista Zelotti, il réalise, dans un style déjà très libre et personnel, plusieurs peintures de l'histoire ancienne (Xerxès recevant les présents de Cyrusle Mariage de Massinissa et de SophonisheMucius Scaevola se brûlant le poingle Festin d'Antoine et de Cléopâtre).

En 1552, il obtient une première commande pour l'église San Francesco della Vigna à Venise pour laquelle il réalise la Conversation sacrée. L'année suivante, sa réputation toujours grandissante amène le père Bernado Torlioni, prêtre de l'église San Sebastiano à Venise que Véronèse avait rencontré à Vérone, à le faire venir auprès de lui pour lui confier les peintures de l'église.
Il s'installe donc à Venise en 1553. Les commandes officielles sont nombreuses car il est devenu le « peintre de la République ». Il réalise notamment, en compagnie des peintres Giambattista Ponchino (it) et Giovanni Battista Zelotti, les fresques des salles du conseil des Dix au palais des Doges. Véronèse exécuta notamment un médaillon qui décorait, en son centre, le plafond de la Salle des audiences : Jupiter foudroyant les Vices. Il décore également la salle de la Boussolla d'un Saint Marc couronnant les Vertus qui est à présent au musée du Louvre.
En 1555, il entreprend la réalisation du plafond de la sacristie de l'église San Sebastiano avec le Couronnement de la Vierge et les Quatre évangélistes. On lui demanda ensuite des panneaux ronds, ovales ou carrés, destinés à être insérés dans le plafond de la nef. Il y raconte trois scènes du Livre d'Esther, entourées d'anges, de balustrades décoratives et de figures allégoriques : Esther présentée au roi Assuérusle Couronnement d'Esther et le Triomphe de Mardochée achevées le , onze mois après leur commande. Cette série de chefs-d'œuvre a fait de cette petite église un lieu de pèlerinage pour tous les peintres postérieurs.
Avec le soutien de Titien et Jacopo Sansovino, il est désigné, avec six autres peintres célèbres dont Battista FrancoGiuseppe PortaBartolomeo Ammannati et Le Tintoret, pour participer à la décoration du plafond de la salle de la Libreria de la Biblioteca Marciana (ou bibliothèque Saint-Marc). Il réalise notamment trois allégories (la Musiquela Géométrie et l'Arithmétiquel'Honneur) pour lesquels il obtint une prime, un collier d'or, qui lui est décerné publiquement par Titien.
Veronèse retourne quelques mois à Vérone, sa ville natale. De ce séjour, il laissera une série de peinture dans plusieurs édifices dont l'église Santa Maria della Vittoria (Déposition de Croix) et le musée municipal (Portrait de Pace Guarienti).
En 1562, Véronèse entreprend la décoration de la villa Barbaro à Maser en Vénétie appartenant à Daniel Barbaro et son frère, Marcantonio. Ceux-ci avaient engagé le célèbre architecte Andrea Palladio en 1556 pour la construction de leur villa et ils confièrent ensuite la décoration picturale à Véronèse que Daniel Barbaro avait rencontré vers 1553, lorsqu'il exécutait ses compositions pour la Salle des audiences au palais des Doges. Véronèse réalise dans cette villa des fresques qui marquent l'apogée de son art parmi lesquelles il faut citer L'Harmonie universelle, ou L'Amour divin entouré des dieux olympiquesVénus et Vulcain avec Proserpine ou bien encore Bacchus et les nymphes. De très nombreuses pièces sont décorées des fresques de Véronèse et, partout, l'espace architectural est mis au défi grâce à l'usage de trompe-l’œil d'illusions picturales.
C'est à cette même période, entre 1562 et 1563, que Véronèse peint la plus célèbre de ses œuvres, Les Noces de Cana2 qui lui avait été commandée pour le réfectoire du monastère bénédictin de Penquesten situé sur l'Île de San Giorgio Maggiore, à Venise. Comme dans d'autres tableaux de Véronèse représentant un banquet3, la scène reflète les festivités qui étaient courantes à l'époque dans la vie vénitienne. La peinture est immense avec presque dix mètres de large et elle contient plus d'une centaine de personnages, dont les portraits reconnaissables de Titien, de Tintoretto, et de Véronèse lui-même.
Entre 1575 et 1577, Véronèse réalise, au palais des Doges, le Triomphe de Venise pour la salle du Grand Conseil et les Allégories de la Vertu pour la salle du Collège qui comptent parmi ses grands chefs-d’œuvre." (source: Wikipedia)




La Bicyclette Ensevelie de Claes Oldenburg et Cosjee Van Bruggen est une commande de l'établissement public du Parc de la Villette (Paris 19eme arr) dans le cadre des grandes commandes d'Art public lors du premier mandat du président le la Rébulique François Mitterrand (Création des Frac et relance de la commande public pour augmenter le patrimoine artistique). 
La commande est passée en 1985 et acceptée en 86. Mais les négociation entre les différents acteurs du projet sont longue et mettent en péril le projet. C'est la présentation de la maquette au ministre de la culture qui facilitera son installation définitive en 1990.


Le couple d'artiste, qui est toujours très soucieux d’intégrer leurs œuvres dans l’environnement, a cherché, par les formes et les couleurs, à entrer en résonance avec les œuvres déjà présentes, comme les architectures de Bernard Tschumi, les chaises de Philippe Starck, la fontaine de Manolis Marikadis ou la Géode.

Vue aérienne du parc

Les “Folies” du parc de La Villette.

Le projet du Parc de la Villette prévoyait des activités diverses : culturelles, pédagogiques, sportives, de loisirs, sur un site de 55 hectares. La réalisation architecturale du parc a été confiée en 1983 à Bernard Tschumi architecte français d'origine suisse, suite au concours international. Au lieu  d’ajouter un nouveau bâtiment, Bernard Tschumi décida de construire  26 lieux disséminés à travers tout le site, “Les Folies“. Une « galerie » rectiligne couverte d'un toit en forme d'onde fait la liaison entre le nord et le sud.  Les vingt-six Folies du Parc de la Villette, réparties tous les 120 mètres, dessinent une grille éclatée sur l’ensemble du site. Certaines ont une fonction (restaurant, café, poste de secours, ateliers…), d’autres pas. Toutes conçues sur le principe de déclinaison d’un cube rouge de 10,8 mètres de côté, elles sont plus ou moins ajourées, et laissent apparaître une structure de 27 cubes plus petits, de 3,6 mètres de côté. Leur nom générique, « folie », structures pittoresques à découvrir le long du parc de La Vilette. 

© Photos Didier Raux - www.didier-raux.com - Press-book Archi

© Photos Didier Raux - www.didier-raux.com - Press-book Archi
Dessin des Folies de Bernard Tschumi. On retrouve certaines couleurs de la bicyclette et un jeu de formes minimaliste mais ludique.
STARCK Philippe, 155 Sièges pivotants du Parc de la Villette, 1984

Sygma antigravitationnel de Manolis Maridakis face à la Géode. Photo:© CSI/M. Lamoureux  Construite par les architectes Adrien Fainsilber et Gérard Chamayou, elle fut inaugurée le  par le président de la République François Mitterrand.
La page officielle de l'oeuvre sur le site des artistes: http://oldenburgvanbruggen.com/largescaleprojects/buriedbicycle.htm




Bill Viola travaille assez peu sur commande, contrairement à Oldenburg qui travaille presque exclusivement de cette manière, en piochant dans ses dessins et maquettes pour répondre à des projets d'Art public.
Pour le cas de Bill Viola on peux tout de même évoquer The Passions qui est le fruit des recherches menées en 1998 à l’initiative de Salvatore Settis, alors directeur du Getty Research Institute, qui lui proposa d’explorer la représentation des passions. Une page est largement dédiée à ce corpus d’œuvres sur cette page du blog:
http://artsplastiqueslcf.blogspot.com/2016/04/bill-viola-et-la-reference-la-peinture.html

Mais si on veux s’intéresser à une oeuvre de commande pour un lieu précis, comme c'est le cas pour les deux autres références du programme, on peux trouver un exemple intéressant.

Bill Viola, Martyrs (Earth, Air, Fire, Water), 2014

Les martyres (Terre, Air, Feu, Eau) est un retable contemporain composé d'écrans vidéo (dont certaines images issue du Tristan et Iseult). C'est une commande de la cathédrale St Paul de Londres et de la Tate moderne qui représente 10 ans de travail et qui à été payé par du mécénat privé.
L'oeuvre est exposée derrière l'autel de l'église pour une durée de 10 ans.

Une explication très complète se trouve sur la page de l'artiste, en anglais:
http://billviolaatstpauls.com/martyrs/


La Cathédrale conçue par Christopher Wren date du 17eme siècle et remplace une ancienne détruite dans le grand incendie de 1666. Y sont enterré quelques grands hommes et artistes (Van Dyck, Turner...).
Dans une interview l'artiste Bill Viola expliquait:
"La cathédrale Saint-Paul voudrait bien attirer vers elle un peu des cinq millions de visiteurs qui se rendent chaque année à la Tate Modern, située en face, au-delà du Millenium bridge. Ce sont des polyptyques permanents, comme à la Renaissance. Dans une chapelle, il y aura un triptyque évoquant la vie de la Vierge dans le désert (elle devrait ouvrir en 2015) et dans une autre chapelle, un polyptyque inauguré en mai dernier, en quatre écrans évoquant les Martyrs. L’art est là pour exprimer les sentiments. Il doit reproduire, chaque fois à sa manière, les grandes histoires de l’homme, les grandes expériences que l’humanité a connue, génération après génération. Chaque génération d’artistes doit repenser et refaire ces histoires et idées de l’humanité pour pouvoir mieux refléter le monde contemporain. "

Cathedrale St Paul

Bill Viola à été sollicité par le Vatican pour représenter le micro Etat pontifical lors de sa première participation à la Biennale de Venise en 2013. Il a décliné l’invitation mais reste attaché à la présentation de ces pièces dans des églises. L'image vidéo, dans la pénombre et le silence des ces lieux de culte, diffuse une lumière proche de celle des vitraux ou des icônes dorées éclairées à la bougie.
"Rares sont les artistes qui trouvent leur place autant dans les lieux de culture que les lieux de culte. La vision spirituelle de Bill Viola l’a amené à être exposé dans des églises et des cathédrales : sa recherche de la transcendance, à travers des thèmes comme la vie après la mort, ou le baptême, ont justifié son entrée dans les lieux sacrés.
L'artiste utilise la technologie comme une force spirituelle. Leurs forces et leurs faiblesses sont transposables à celles de l’être humain : dans Heaven and Earth, deux vidéos, l’une représentant la naissance et l’autre la mort, sont diffusés sur des écrans cathodiques retenus par de simples fils de fer : on lit dans la fragilité du support celle de ses sujets. L’essence même du numérique est impalpable, conceptuelle, métaphysique. Et nous-même, sans la spiritualité, ne sommes plus qu’un code, reconnus par notre ADN. En ajoutant la spiritualité à ses vidéos, Bill Viola les rend œuvre d’art. Avec leur âme, les artistes font ce que ceux qui ont créé les machines n’auraient jamais imaginé. « Tous les arts créatifs sont une recherche de l’immortalité », explique Bill Viola." (Source: Grandpalais.fr)




jeudi 27 avril 2017

Jeu Point Bonus

Si vous trouvez la réponse à cette énigme avant vendredi prochain, vous gagnez un point bonus sur le prochain travail.
Laissez votre réponse en commentaire de ce poste avec votre prénom, la premier lettre de votre nom et votre classe (exemplePablo P. 6H).Tous les commentaires et la réponse seront publiés vendredi prochain.

Quel artiste est l'auteur du dessin monumentale en anamorphose en hommage aux réfigiés que l'on peux voir sur la parois de Pic de Carroi depuis quelques jours ?



Source de l'image https://twitter.com/landartandorra

L'oeuvre de la semaine: Le son et la musique dans l’œuvre de Bill Viola

Le son et la musique dans l’œuvre de Bill Viola


Bill Viola et sa femme Kira Perov
Bill Viola est né le 25 janvier 1951 à New York (Etats-Unis). Il vit aujourd’hui en Californie avec sa femme et ses deux enfants . 

Université de Syracuse, État de New-York
En 1969, Bill Viola entre au département d'art de l'Université de Syracuse à New York. A partir de 1970, il commence à travailler avec la vidéo dans le cadre des activités de l'Union des étudiants de Syracuse. Il y étudie les Arts Visuels avec Jack Nelson et la musique électronique avec Franklin Morris. Au cours de cette période, Bill Viola devient membre du groupe vidéo Synapse de l'Université de Syracuse, où il réalise et installe un système de télévision par câble, et acquiert des connaissances d'ingénieur du son. Puis il devient assistant technique du département vidéo au Everson Museum de Syracuse.

Couverture de l'album de Franklin Morris, Ron marquisee, 1970



En 1972, il réalise sa première vidéo,
Wild Horses, et travaille comme assistant d'exposition de Nam June Paik (artiste et musicien disciple de John Cage et acteur majeur de Fluxus) et de Peter Campus.

Performance de la violoncelliste Charlotte Moorman avec la sculpture de Nam Jun Paik TV Cello, New-York, 1971


En 1973, il obtient le diplôme BFA des Studios expérimentaux du Collège des arts visuels et du spectacle de l'Université de Syracuse. La même année, sa participation à l'atelier d'été des Nouvelles Musiques à Chocorua (New Hampshire) lui permet d'étudier la musique avec le compositeur David Tudor, dont il devient le collaborateur au sein du groupe de compositeurs Composers Inside Electronic. Il réalise avec ce groupe plusieurs performances et installations sonores à travers le monde. Dont la plus célèbre est Rainforest.

Le groupe Composers Inside Electronics, Berlin 1980


Performance du groupe CIE pour Rainforest 2


L’œuvre de Bill Viola représente la tendance lyrique de l'art des installations vidéos. A partir des années 70, il crée un grand nombre de bandes vidéos et d'installations qu'il définit comme autant de poèmes visuels dans lesquels il s'attaque aux questions d'identité et des préoccupations d'ordre spirituelles dans le monde moderne.
Durant cette première période, Bill Viola va s’intéresser à la performance, au cinéma expérimental et à la musique. Il utilise la caméra comme un outil qui intellectualise le monde, comme un instrument qui dissèque pour mieux analyser, saisir et décrire. C’est aussi pour lui un outil de perception du monde qui nous entoure. Ses premières recherches sur la vidéo le conduisent dès le milieu des années soixante-dix à réaliser des installations et des bandes extrêmement suggestives, que l’artiste commence, dès le début des années quatre-vingts, à transposer en une symbolique basée sur la pensée mystique et bouddhiste. Il va se servir de la vidéo pour explorer les phénomènes de la perception des sens qui mènent à la connaissance de soi. Ensuite, il traite l’image comme une partition musicale. Image et son ont une importance égale dans son œuvre. L’image permet de prolonger la perception sensorielle auditive.

Bill Viola, Information (1973, 29' , U-matic, NTSC, couleur, son, Collection Centre Georges Pompidou, Paris)
Information fait partie des premiers travaux de Bill Viola en vidéo (1973). Directement issue de ses recherches sur la musique électronique, l'image est littéralement immergée dans le signal, la représentation même du médium. Un moniteur, de face, nous montre une série d'images brouillées, perturbées, interrompues par des mires visuelles et sonores.


Bill Viola, Playing Soul Music to My Freckles,
1975, 2:46 min, color, sound
Playing Soul Music to My Freckles (jouer de la musique Soul à mes taches de rousseurs) est une performance filmée dans laquelle une enceinte diffusant une chanson d'Aretha Franklin est posée sur le corps de l'artiste. Cette vidéo est extraite de la compilation the red tape 1975

Bill Viola, He weeps for you, 1976
Bill Viola, He Weeps for You (detail), 1976
Bill Viola, He Weeps for You (1976) videosound installation water drop with microlens, amplified drum, projection in a dark room
  
Dans He weeps for you 1976 (Synapse video center université de Syracuse New York Etats Unis, installation ), il montre une goutte d’eau tombant d’un tuyau de cuivre. La gouttelette est vidéoprojetée agrandie de façon à refléter la pièce environnante et ses occupants. Un bruit sourd résonne lorsque la goutte touche une percusion au sol, ce qui donne à cette action apparemment anodine une inquiétante etrangeté. Ce travail fait allusion à la philosophie traditionnelle de la correspondance entre le microcosme et le macrocosme inspiré de la pensée orientale et des théories de la physique contemporaine qui montrent comment la moindre particule de matière contient des connaissances et des informations sur l'état du système tout entier. De cette installation, il dit: «J'ai tenté de créer un espace accordé où non seulement tout est enfermé dans une seule cadence rythmique mais où un système dynamique interactif est produit, dans lequel tous les éléments la goutte d'eau, l'image vidéo, le son, le spectateur et la pièce elle-même fonctionnent ensemble de manière unifiée comme un instrument unique et plus grand». L'œuvre repose sur un processus d'agrandissement: en modifiant l'échelle de ce qui devrait être normalement un événement accessoire pour l'amplifier à la fois visuellement et acoustiquement jusqu'à ce qu'il domine l'espace. Un examen plus serré révèle que le processus unificateur qui sous-tend l'œuvre est un phénomène optique. La goutte d'eau agit elle-même comme une lentille et s'intègre de la sorte au système optique de la caméra vidéo. On peut voir une image de l'espace tout entier et de ceux qui s'y trouvent, image dont on constate qu'elle est contenue dans la structure anamorphique de chaque goutte d'eau. Cette distorsion optique accroît à mesure que la goutte gonfle pour finalement tomber hors de l'image et s'écraser sur la surface amplifiée qui se trouve en dessous, inaugurant alors un nouveau cycle.
 


Four Songs (1976 - 33 min) est aussi une compilation de 4 vidéos. En choisissant le mot chanson pour cet ensemble, Bill Viola souligne le lien entre son travail et la structure musicale ainsi que la poésie Romantique.
Songs of Innocence (9'34) est un chant de l'enfance à deux temps. Une chorale sur la pelouse verdoyante d'une école interprète une comptine. La lumière tombe progressivement sur cette scène "idéale" et la recouvre de nuit. Après le départ des enfants, dans leur trace encore vivante, ne restent plus qu'une flamme et, à côté, un objet non identifiable. C'est alors que les corps fantomatiques de la chorale réapparaissent, s'incrustent en transparence dans la nuit, en esprits, et rejouent leur scène enfantine. Entre le silence et les ténèbres, entre le jour et la nuit, un bouquet d'orchidées et la flamme sur le sol marquent d'une mémoire mortuaire cet espace vide comme un tombeau.

Bill Viola, Songs of innocence

 Space Between the Teeth (9'10) est construite à nouveau en deux temps, deux espaces distincts, le passage s'effectuant de l'image du corps manifeste à celle du corps profond. Space Between the Teeth repose sur une stratégie presque mathématique de la perception. Dans un espace clos, Bill Viola assis nous regarde longuement. Soudain il hurle, puis plusieurs fois encore. La caméra recule alors et découvre un couloir interminable. Elle s'arrête enfin. L'homme crie et chaque cri, à intervalles réguliers, provoque par saccades une avancée rapide et bousculée de la caméra jusqu'à l'espace obscur que l'homme a entre ses dents. Après chaque avancée, elle recule jusqu'à un point toujours plus proche de l'homme.

Bill Viola, Space between the theet


On retrouve l'utilisation du cri de façon récurente dans le travail de Bill Viola :
The Amazing Colossal Man, 1974,
vidéo noir et blanc, installation sonore, événement d'une nuit d'août 1974,
projection sur écran placé devant la fenêtre double de son studio de Syracuse,
photocopie de 1974, Experimental Television Center Collections. 


Bill Viola, The Amazing Colossal Man, 1974

 
« Anthem (Hymne, 1983) de Bill Viola est une vidéo structurée autour d'un cri perçant et unique émis par une jeune fille de onze ans alors qu'elle se tient sous le grand hangar de la gare d'Union Station à Los Angeles. Son cri, d'une durée de seulement quelques secondes, se propage hors des murs de briques du hangar.

Bill Viola, Anthem, 1983
Bill Viola a ralenti, étiré, modulé, et par ailleurs modifié le son de la voix de la jeune fille pour créer cette bande sonore pour une symphonie de la ville post-industrielle qui est inquiétante. Le cri d'origine est étendu dans le temps et décalé en fréquence pour produire une échelle de notes harmoniques qui constitue la bande son à laquelle Viola juxtapose des images du matérialisme - industrie et culte du corps, pompes à huile géant et battements de cœur humain, voitures le long d'une autoroute et sang qui coule dans les veines, technologie chirurgicale moderne et branches d'arbres dans une forêt ancienne. Le cri angoissé traverse la corporéité du corps et de la culture contemporaine comme un organisme vivant.
Bill Viola rapporte cette structure à la forme et la fonction des chants religieux, les chants grégoriens notamment (en utilisant une échelle harmonique dans une salle de résonance) et des chants tantriques bouddhistes (rituel d'exorcisme et de conversation avec les démons). Pour lui, la pièce est une évocation rituelle de « nos peurs primaires les plus profondes, l'obscurité et la séparation du corps et de l'esprit. »







Silent Montain (2001) est une vidéo muette qui montre un homme et une femme hurlant au ralenti .
Bill Viola : « le hurlement le plus fort que j'aie jamais enregistré est peut-être ce Silent Mountain muet ». Selon Viola, le silence de cette image en mouvement fait écho à la peinture religieuse de la Renaissance mais, comme il le dit lui-même : " les images anciennes sont juste un point de départ. Je ne suis pas intéressé par leur appropriation ou leur reprise. Je veux entrer dans ces photos .... les incarner, les habiter, pour les sentir respirer ".


Bill Viola Silent Mountain, 2001 photo by Claudia Zevi & Partners

De ces années d’expérimentations dans le domaine de la performance et du son, il existe une édition limité en vinyle des bandes réstaurées par l'artiste de 2015.

Side A
The Talking Drum, 1979 (22:56)
(For Herman Heins) Performance, 1982
Bass Drum, temple gong, pre-recorded sound, and electronics
Performed by Bill Viola

Side B
Hornpipes, 1979-82 (18:11)
PVC pipes, voice
Performed by Ralph Jones, Bill Viola, Yoshi Wada
Pulses (Duomo Bells), 1982 (4:10)
Metronome, pre-recorded sound, and electronics
Performed by Bill Viola



La dimension mystique du son de certaines pièce se retrouve dans l’intérêt de Bill Viola pour les religions et la philosophie orientales. Cet aspect est directement mis en scène dans sa plus longue vidéo I Do Not Know What It Is I Am Like (1986) . Le dernier chapitre nous montre une cérémonie religieuse et la musique qui l'accompagne.






Deserts, (1994
) fut créée pour accompagner la performance en direct du compositeur Edgar Varèse (1855-1965). Après avoir découvert des notes du compositeur se référant à une composante imagée non réalisée de sa composition, l’Ensemble Moderne, un groupe de musique contemporaine basé à Francfort, a commandé à Viola la création d’une partition visuelle pour Déserts de Varèse.


Pour la tournée Fragility 2.0 du groupe metal-indus Nine Inch Nails, gravé sur le DVD And That I could have been de 2002, Bill Viola crée une scénographie multi-écran pour les titres La mer, The great below et The mark has been made. Les bonus du DVD incluent une interview en anglais sur ce travail.






Tristan et Yseult (Peter Sellars - Mise en scène / Richard Wagner - Compositeur)
En supprimant en 1951 le décor construit pour le remplacer par une simple ambiance lumineuse, Wieland Wagner change toute l'esthétique de représentation de l'opéra. Cette utilisation d'une technologie unique et impalpable, la lumière, qui devient décor et plus encore état d'esprit, est en fait bien une révolution, qu'on soit revenu ou non à des volumes construits sur scène depuis. Une autre révolution technologique s'est peu à peu mise en place depuis les années quatre-vingt, avec la projection, de décors réalistes, de films, oniriques ou réalistes, ou de jeux de laser, qui permet de construire des espaces virtuels... Au début du XXIe siècle, c'est la vidéo qui s'installe à son tour dans l'environnement spatial de l'opéra. Non plus film projeté, mais bien apparition d'un nouveau moyen d'expression, devenu presque une fin en soi dans La damnation de Faust de Robert Lepage, ou plus encore les magnifiques Paladins signés José Montalvo et Dominique Hervieu, tant l'intégration du spectacle vivant y est assurée avec maestria dans le spectacle projeté.
On peut bientôt distinguer cette intégration de la juxtaposition de la vidéo et de l'action théâtrale, telle que la pratiquent Peter Sellars et Bill Viola dans leur Tristan et Isolde de l'Opéra-Bastille, en 2005. La vidéo y devient une strate entière et primordiale du spectacle, noyant et anéantissant presque le jeu des « vrais » acteurs du drame, jouant avec eux en costumes noirs dans une boîte noire sans décor aucun, avec pour tout accessoire un parallélépipède bas - banc, lit, pierre tombale - tout aussi noir. Un Tristan assurément pas sans image pourtant, le fond de la boîte étant un vaste écran recevant en continuité ces projections mouvantes et sophistiquées qui ont fait la renommée du vidéaste américain.



Artistes et personnalités :
Bill Viola - Plasticien(ne)





sources:
Page biographique sur Bill Viola
http://www.artperformance.org/article-23906732.html
 Site sur la musique éléctronique
https://www.eai.org/
 Un cours sur le cri chez Bill Viola