vendredi 6 mai 2016

L'oeuvre de la semaine: Voyage à Barcelone 1/3 Mitsos Oldenburg

Les œuvres d'Oldenburg et Van Bruggen sont souvent polysémiques et chargés des préoccupations des artistes, dans une réflexion sur l'histoire du lieu où elles existent. D'apparences Pop et anecdotiques, elles sont en vérité d'une grande profondeur sémantique sur des questions sociales et politiques et avec un regard extrêmement critique et pertinent sur l’environnement architecturale.  
Il ne faut pas voir les propositions in situ du couple comme un travail décoratif mais bien comme une mise en lumière de ce qu'il y a de politique dans l'architecture.

Il faut avant tout comprendre le mode opératoire du couple; En premier lieu dans l'atelier, sont conçu un grand nombre de dessins, collages et maquettes, parfois irréalisables, de sculptures monumentales d'objets et d’aliments.
Lorsque l'on propose au couple la réalisation d'un travail in situ, il va puiser dans cette réserve de projet, l'oeuvre qui collera le plus au lieu.

On peux voir ci-dessous les deux maquettes préparatoire au projet de l'oeuvre vue à Barcelone.

Etude pour une sculpture en forme de pochette d'allumettes, 1987, bois papier et argile peint au latex, 26.7 x 20.9 x 22.9 cm, Photo: Ivan Dalla Tana

Maquette à échelle réduite du projet se trouvant au musée MACBA de Barcelone


Avec la pochette d'allumettes géante Mistos, réalisée en 1992 à Barcelone, c'est toute une histoire politique de la Catalogne qui s'offre à la vue des citadins.
Cette sculpture monumentale, simple d'apparence, fait écho à de nombreuses choses:

-L’œuvre est paradoxale. Eric Valentin, dans la sculpture comme subversion de l'architecture (les presses du réelle, 2012), souligne: "la joie domine dans sa chorégraphie mouvementée et ses couleurs flamboyante; mais elle recèle aussi des images de la désarticulation, du brisé, du rebut, du calciné et de la chute."



-D'une hauteur de 22 mètres, en acier, aluminium et fibre plastique renforcé peint avec une laque polyuréthane (email), l'oeuvre se trouve sur dans la zone du parc des jeux olympiques de Barcelone de 1992 (installée juste aprés). On retrouve l'idée de la flamme olympique.

Photo: Monsieur Crayon
-La thématique du grotesque, de la culture populaire et la folie du carnaval, très cher à Oldenburg. La dimension et l'aspect désarticulé de la sculpture évoque la Rauxa catalane, qui désigne, selon Robert Hughes "toutes sortes d'activités irrationnelles ou dionysiaques" (Barcelone, la ville des merveilles, histoire et civilisation, 1992).
On sait que l’œuvre d'Oldenburg se réfère à la littérature de Rabelais et Cervantès, il ne manque pas ici d'évoquer les lances brisés ou les moulins tournants de Don Quichotte qui jalonne toute la culture catalane.

Don Quixote attacking a windmill!
David Brandt Berg, January, 1973

-Les couleurs, rouge et jaune avec une touche bleu, si elles évoquent bien évidement l'estelada le drapeau indépendantiste de la Catalogne (et dans ses formes même, des lignes droites et le triangle de la flamme), sont aussi un clin d'oeil au peintre Barcelonais surréaliste Joan Miro.
Eric Valentin note, à propose de Miro: "en effet, l’artiste se fait l'expression de la Rauxa catalane dans de nombreuse œuvres liées à l'humour, au grotesque, à la defiguration cruelle, à la transgression joyeuse de formes et même à l’obscénité comme dans Homme et femme devant un  tas d’excrément (1935)." Ce tableau ce trouve à la fondation Miro, toute proche.

  

-La sculpture, située à Vall d'Hébron, fait face à la réplique du pavillon espagnole construit par l'architecte Josep Lluis Sert pour l'Exposition universelle de Paris en 1937 et où fut présenté le Guernica de Picasso. 
Josep Lluis Sert est un architecte moderniste barcelonais ayant fait ses études auprès de Le Corbusier est aussi l'auteur de la fondation Miro de Bracelone (1997).
Ce pavillon, selon Oriol Bohigas (modernité et architecture dans l'Espagne républicaine, 2004), reussit l'exploit d'attirer l'attention du monde sur le drame espagnol de l'époque. De forme simple et d'envergure modeste, il est une critique de la monumentalité,à laquelle se rallie l’œuvre d'Oldenburg et Van Bruggen. Elle s'opposera en tout point, lors de l'exposition universelle, aux styles classiques et populistes de l'Allemagne Hitlerienne et de l'Italie Fasciste qui séduira alors des démocratie comme la France.

Réplique du pavillon espagnol de l'Exposition universelle de Paris de 1937. Barcelone ©
 Guernica - 1937

-"Le brasier de Mistos enregistre la mémoire de la violence de la guerre d'EspagneMistos est un memento Mori, un symbole des traumatismes et des dissonances de l'histoire de Barcelone. Pour les Oldenburg, les allumettes brisées ou en rangs serrés dans la pochette et les allumettes gisantes autour de la sculpture sont les métaphores d'une fusillade. Van Bruggen fait allusion à la mort violente de Frederico Garcia Lorca fusillé par les franquistes. Mistos conserve la mémoire des nombreux catalans executés (200 000 républicains fusillés) à Barcelone à la fin de la guerre d'Espagne" (Eric Valentin). On peux aussi penser à la brutale inquisition espagnole, où aux textes mystiques espagnole de la purification par le feu des écrits de Saint Jean de la Croix et Sainte Therèse d'Avila. ("O brûlure suave, O plaie délicieuse, qui donne la mort et change la Mort en Vie" St Jean de la Croix, XVeme siècle).



-Une critique du catalanisme conservateur de la Renaixança (courant romatique catalan de la seconde moitié du 19ème siècle), idéalisant l'époque médieval et s'incarnant dans un symbole de Barcelone: La Sagrada Famillia de Gaudì
Cette cathédrale était l'expression des rêves imperialistes des dirigeants et des intellectuels de la LLiga Regionalista, partie dominant jusqu'en 1923, et s'inscrit dans l'histoire politique européenne réactionnaire, suite à la crise de la religion catholique.
Souvent associé à des objets, les tours du monument peuvent évoquer des allumettes, notamment dans certains croquis de l'architecte datant de 1906.

La Sagrada Família en 2009

Jouant de cette association visuelle, la sculpture d'Oldenburg évoque aussi les révoltes incendiaires de la population contre les édifices religieux en 1909, puis des anarchistes contre les archives et maquettes de la Sagrada familia en 1936. 
L'oeuvre est aussi une parodie du motif de la flamme mystique chèr à Gaudi, que l'on retrouve notement sur la palais Güell, dont la symbolique est liée à l'idée de "restituer à la catalogne son sens aristocratique, de restaurer, dans le cadre d'une nouvelle monarchie, la hierarchie sociale compormise par le parlementarisme, de soumettre et d'eduquer les masses urbaines indiciplinées et viciées par l'anarchisme fondamentale de la moderinté." (Eric Valentin)

Mais l'hostilité des Oldenburg par rapport à l'architecture de Gaudi reste relative car il partage  avec lui l'interêt d'une architecture zoomomorphe, figurative, onirique... et ils portent un vif interet aux consruction Art Nouveau comme la Casa Batlò ou la Pedrera, dont nous reparlerons...











Affichage de image.jpeg en cours...

Ci-dessus quelques photos de notre "visite" de la sculpture...

Quelques pages sur l'oeuvre ci-dessous

http://oldenburgvanbruggen.com/largescaleprojects/mistos.htm
http://www.barcelonaturisme.com/wv3/fr/page/1229/mistos-(cerillas)-claes-oldenburg.html

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