dimanche 5 octobre 2025

Rosa Bonheur et son temps (Famille, amis, mécènes)


Rosa Bonheur (1822 – 1899)

Née à Bordeaux en 1822, Marie-Rosalie Bonheur, dite Rosa, s’impose dès son jeune âge comme une artiste hors du commun. Passionnée par les animaux, elle fréquente les abattoirs et les marchés pour les observer et les dessiner, chose jugée peu convenable pour une femme à l’époque. En 1849, son Labourage nivernais la révèle au grand public, puis son immense toile Le Marché aux chevaux (1853) consacre sa réputation internationale. Femme libre et indépendante, elle refuse les conventions, obtient une autorisation officielle pour porter le pantalon, et mène sa carrière dans un monde dominé par les hommes. En 1865, elle devient la première femme artiste à recevoir la Légion d’honneur, remise par l’impératrice Eugénie. Rosa Bonheur meurt en 1899 dans son château de By, à Thomery, laissant derrière elle l’image d’une pionnière à la fois moderne et intemporelle.


Rosa Bonheur peinte par Anna Klumpke, 1898
Huile sur toile, Metropolitan Museum, NYC



Raymond Bonheur (1778 – 1849)

Le père de Rosa, Raymond Bonheur, était peintre et professeur de dessin. Marqué par ses convictions saint-simoniennes*, il prônait des valeurs de progrès, d’éducation et d’émancipation, qu’il transmit à ses enfants. C’est lui qui initia Rosa et ses frères et sœurs à la pratique artistique, créant une véritable « famille d’artistes ». Même si sa propre carrière resta discrète, son influence fut décisive dans l’éveil et la formation de Rosa.

*Le Saint-simonisme est une doctrine économique et sociale, élaborée par le comte de Saint-Simon (1760-1825) et ses disciples, qui préconise l'association, l'amélioration du sort des plus nombreux, l'effacement du politique au profit de l'économie et qui est à l'origine de plusieurs tendances de la pensée moderne. Saint-Simon affirmait que les besoins d'une classe industrielle, qu'il appelait également la classe ouvrière, devaient être reconnus et satisfaits pour avoir une société efficace et une économie efficiente .

Portrait de Rosa et Auguste Bonheur par leur père Raymond Bonheur
Non daté



Les frères et sœurs Bonheur

Auguste, Isidore et Juliette suivirent la même voie que leur sœur, chacun à sa manière. Auguste se fit connaître comme peintre de paysages, tandis qu’Isidore devint un sculpteur animalier réputé, exposant régulièrement au Salon et vendant à des collectionneurs prestigieux. Juliette, plus discrète, se consacra aussi à la peinture animalière. Tous bénéficièrent de l’aura de Rosa, mais leur talent confirmait qu’il ne s’agissait pas seulement d’un hasard familial : les Bonheur formaient une véritable dynastie artistique du XIXe siècle.


Auguste BonheurTroupeau de bovins dans les Higlands (1863), LondresVictoria and Albert Museum.

Isidore BONHEUR (1827-1901) Taureau marchant Epreuve en bronze par Peyrol (fondeur), signée, sur socle avec médaillon "Société Nationale d'Encouragement à l'Agriculture Prix d'Honeur 1891". Fin du XIXe siècle Haut. 28 cm; Larg. 41 cm

Juliette Bonheurbétail près d'un ruisseau, 1885



Nathalie Micas (1824 – 1889)

Nathalie Micas fut la compagne et l’alliée la plus fidèle de Rosa Bonheur. Ingénieure et inventrice, passionnée par les chevaux, elle partagea plus de quarante ans de vie avec l’artiste. Toujours présente à ses côtés, elle l’a soutenue matériellement et affectivement, veillant sur elle pour qu’elle puisse se consacrer pleinement à son art. Leur relation, bien qu’à l’époque jamais officialisée, est aujourd’hui reconnue comme un véritable partenariat amoureux et intellectuel.


Nathalie Micas and Rosa Bonheur, 1864

Nathalie Micas, basse-coure, 1889



Anna Klumpke (1856 – 1942)

Après la mort de Nathalie Micas, Rosa fit la rencontre d’Anna Klumpke, peintre américaine spécialisé dans le portrait, venue en qualité de traductrice pour un mécène américain. Malgrès l'écart d'âge important, une forte amitié épistolaire se construit au fil des années, ponctuée de visites régulière jusqu'au projet de réaliser le portrait de Rosa Bonheur. Devenue sa compagne, Anna entreprit d’écrire une biographie de Rosa, Rosa Bonheur, sa vie et son œuvre (1908), qui reste une source majeure pour connaître son parcours. Héritière de son atelier et de ses œuvres, elle contribua largement à préserver et transmettre la mémoire de l’artiste à travers le XXe siècle.

Anna Klumpke et Rosa Bonheur en 1898 dans l’atelier du château de By. (Château de Rosa Bonheur By Thomery)


Anna KlumpkeCatinou Knitting, 1887, huile sur toile, Brenau University
https://awarewomenartists.com/artiste/anna-elizabeth-klumpke/



Jean-Baptiste-Camille Corot (1796 – 1875)

Ami de Rosa, Corot est l’un des grands paysagistes du XIXe siècle. Leur amitié témoigne des échanges artistiques de l’époque, où le réalisme et l’étude de la nature étaient au cœur des débats. Corot, par son sens poétique de la lumière et du paysage, renforça chez Rosa le goût d’une observation fidèle mais sensible du monde naturel. Réaliste et Romantique, ses oeuvres annonce l'impressionnisme 


Jean-Baptiste Corot, le coup de vent, 1870



Buffalo Bill (1846 – 1917)

Personnage inattendu dans l’entourage de Rosa Bonheur, le célèbre Colonel Cody, alias Buffalo Bill, héros du Far West et directeur d’un spectacle itinérant, visita l’artiste lors d’une tournée en France avec son spectacle présenté à Paris pour l'exposition universelle de 1889. Séduit par sa grande réputation aux USA, il vint la rencontrer en costume de cow-boy, et Rosa, amusée, réalisa son portrait, et passa du temps au milieu des natifs américains dans leur campement. Cette rencontre pittoresque témoigne de la notoriété internationale de l’artiste et de son intérêt pour les Amériques, dont elle fit de nombreux tableaux d'après une documentation précise, sans jamais pouvoir y aller à son grand regret. La plupart des œuvres de Rosa Bonheur partaient sur le marché américain et s'y trouvent toujours.

Rosa Bonheur, Colonel William F. Cody, 1889
Given in memory of William R. Coe and Mai Rogers Coe. 8.66




Les marchands, galeristes et mécènes

La carrière de Rosa Bonheur doit aussi beaucoup à ses soutiens. Parmi eux, le marchand belge Ernest Gambart, installé à Londres, qui fit connaître son œuvre en Angleterre et aux États-Unis. La reine Victoria elle-même l’admira et l’invita au château de Windsor en 1855. Ces appuis lui ouvrirent un marché international et contribuèrent à son immense succès commercial et médiatique.

Le marchand d'Art Ernest Gambard et Rosa Bonheur






samedi 4 octobre 2025

Paysage Abstrait impliquant le corps

 

Claude Monet, les Nymphéas, 1910
Musée de l'orangerie, Paris
Les Nymphéas est une série d'environ 250 peintures à l'huile impressionnistes élaborées par le peintre français Claude Monet pendant les 31 dernières années de sa vie. Ces peintures représentent le jardin de fleurs, et plus particulièrement le bassin de nénuphars, de la maison du peintre à Giverny.


Les Nymphéas (Detail)
On voit la touche nerveuse et la gestuelle du peintre


Joan Mitchell, Salut Tom, 1978,
Huile sur toile,  L'ensemble des quatre panneaux mesure environ 279,4 × 792,48 cm (110 × 312 pouces)
National Gallery Washington DC



  • Yves Klein, ANT 104, Anthropométrie sans titre,1960
  • Pigments pur et résine synthétique sur papier (marouflé sur toile) 278 x 410 cm
  • Fondation Louis Vuitton



Yves Klein, « Anthropométries de l’époque bleue » Galerie internationale d’art contemporain, Paris, France, 9 March 1960 Artistic action of Yves Klein © Yves Klein, ADAGP, Paris / DACS, London, 2016 Collaboration Harry Shunk and Janos Kender © J.Paul Getty Trust. The Getty Research Institute, Los Angeles.



Mark Rothko posant devant une de ses toiles monumentales, 1960
i© PVDE / Bridgeman Images






Jackson Pollock, Mural, 1943
Photograph by Andy Rain / EPA / Shutterstock




Georges Mathieu, Semiane, 1976
https://www.artshebdomedias.com/article/190612-hommage-georges-mathieu-impetueuse-peinture/



Camille Saint-Jacques, Le ciel est un miroir, années 80
https://www.cnap.fr/camille-saint-jacques-3



Bernard Frize, LedZ, 2018.
 Acrylique et résine sur toile, 280,5 × 522,5 cm. Courtesy Perrotin & Bernard Frize.
Photo © Claire Dorn. © Bernard Frize / Adagp, Paris 2019.



Gerhard Richter, peinture abstraite des années 90
https://ideelart.com/fr/blogs/magazine/observing-gerhard-richters-abstract-painting

vendredi 3 octobre 2025

Jeu point Bonus du 3 au 10 octobre 2025

 Si vous trouvez la réponse à cette énigme avant vendredi prochain, vous gagnez un point bonus.

Laissez votre réponse en commentaire de ce poste avec votre prénom, la premier lettre de votre nom et votre classe (exemplePablo P. 6H).Tous les commentaires et la réponse seront publiés lundi prochain.

Quel petit pays d'Europe est l'invité de l'édition 2025 de la biennale de Land Art d'Andorre (réponse ici)  ?

Tres de les quatre grandalles que Toni Cruz ha plantat a Canòlich. (Bondia)


jeudi 2 octobre 2025

Le dessin contemporain: La ligne se déploie dans l'espace (support et outil non traditionnel)

 

Marc Bauer, L'architecte, 2013
Vidéo en stop motion réalisé dans le frais de la peinture à l'huile sur une plaque de plexiglas




William Kentridg, Drawings for projection, 2019
vidéo stop-motion par effacement successif du dessin (repentir)




Patrick Tresset, Robots dessinateurs



Vera Molnar, Hommage à Dürer, 1990, épingles et fil sur bois
https://ap.chroniques.it/vera-molnar/



Alexandre Calder, Portrait de Joan Miró, vers 1930
Fil d’acier, 29 x 27 cm
Palma de Majorque, Collection M. Joan Punyet Miró
© Calder Foundation New York / Adagp Paris
https://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-calder/ENS-calder.html








Tim Knowles, Larch (4 pen) on Easel #1, The How, Borrowdale, Cumbria, 2005.
Above: C-Type print; below: ink on paper (detail)
https://www.cabinetmagazine.org/issues/28/knowles.php




Maria Saggese, Light Painting, 2020
https://www.olympuspassion.com/2020/03/18/the-art-of-light-painting/




Christelle Vinssoneau, Aphorismes, dessins en réalité augmenté
https://aphorismes.awerpi.fr/



mercredi 1 octobre 2025

Le point Philo: Rousseau et Darwin

 Spécialité Arts Plastiques: Le Point Philo


Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), philosophe des Lumières, développe une pensée très critique sur le rôle de la culture dans la société. Dans son Discours sur les sciences et les arts (1750), il soutient que le progrès des arts n’a pas rendu les hommes meilleurs mais les a corrompus. Selon lui, la recherche du raffinement et du luxe détourne l’homme de la vertu, de la sincérité et de la nature. Rousseau oppose ainsi l’authenticité des sentiments et le retour au naturel à l’artifice et à la vanité des productions culturelles.

Ces idées ont marqué les artistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Le peintre François-André Vincent, par exemple, s’attache dans ses scènes historiques et morales à mettre en avant la vérité des émotions et une certaine simplicité, en rupture avec le goût décoratif et superficiel du rococo. Plus tard, au XIXe siècle, Rosa Bonheur s’inscrit dans cette filiation par son rapport direct et sincère à la nature. Ses représentations d’animaux, comme Le Marché aux chevaux (1855), cherchent à en saisir la vérité vivante et respectueuse, loin des artifices mondains.

Ainsi, si Rousseau critiquait les arts pour leur potentiel de corruption, son appel à la sincérité et à la proximité avec la nature a profondément inspiré une nouvelle conception de la peinture, qui privilégie la vérité, la simplicité et l’observation fidèle du réel.

Charles Darwin (1809-1882), naturaliste britannique, a profondément transformé la manière dont l’homme pense sa place dans le monde vivant. Dans L’Origine des espèces (1859), il montre que toutes les formes de vie évoluent au fil du temps par un processus de sélection naturelle : les individus les mieux adaptés à leur environnement survivent et transmettent leurs caractéristiques. Cette théorie rompt avec une vision figée de la création et introduit l’idée d’un vivant en perpétuel changement, où l’homme lui-même n’est plus séparé du reste de la nature mais en fait pleinement partie.

Très vite cependant, l’industrialisation et l’essor du capitalisme naissant ont détourné ses idées. Certains penseurs et politiques ont transformé la sélection naturelle en justification d’une compétition sociale sans limites, donnant naissance au « darwinisme social ». De même, ses écrits ont été instrumentalisés pour soutenir des thèses eugénistes, cherchant à hiérarchiser les êtres humains et à sélectionner artificiellement les populations, une déformation très éloignée de la pensée originale de Darwin.

Dans ses derniers écrits, Darwin exprime pourtant une grande sensibilité vis-à-vis du monde vivant. Ses observations fines sur les comportements des animaux, leurs émotions et même certaines formes de coopération témoignent d’un respect profond pour la diversité et la richesse de la nature. Cette approche résonne particulièrement avec la vision de Rosa Bonheur, qui, par sa peinture et son mode de vie, a cherché à établir un rapport sincère et respectueux avec les animaux. Comme Darwin, elle a refusé de réduire le vivant à une simple ressource, préférant en révéler la dignité et la vitalité.

Darwin et Rosa Bonheur partagent ainsi une même vision sensible du vivant : l’un, par la science, met en lumière la continuité entre l’homme et les autres espèces ; l’autre, par la peinture, célèbre cette proximité en représentant les animaux avec respect et vérité. Tous deux invitent à dépasser l’idée de domination pour reconnaître la dignité commune à l’ensemble du monde naturel.

Bibliographie sélective

  • Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les sciences et les arts (1750) – Texte fondateur, accessible dans des éditions scolaires annotées, qui permet de comprendre sa critique des arts et du luxe.

  • Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation (1762) – Extraits accessibles où Rousseau développe son idéal de retour à la nature et de sincérité, éclairant le lien entre sa philosophie et les arts.

  • Charles Darwin, L’Origine des espèces (1859) – Disponible en éditions abrégées ou commentées, c’est le texte clé pour comprendre l’évolution et la place de l’homme dans le vivant.

  • Charles Darwin, L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux (1872) – Ouvrage plus sensible, où Darwin observe les émotions et comportements, en résonance avec une approche artistique du vivant.

  • Éric Michaud, Darwin et les sciences de l’art (2017) – Un ouvrage qui explore le dialogue entre théorie de l’évolution et représentation artistique au XIXe siècle.

  • Rosa Bonheur, Catalogue raisonné de l’œuvre peint (par Annie-Paule Quinsac, 2004) – Une entrée dans l’univers pictural de Rosa Bonheur, pour comprendre son rapport intime et respectueux au monde animal.

  • Karl Polanyi, La Grande Transformation (1944) – Texte fondateur en économie, accessible en extraits, qui permet de réfléchir au capitalisme naissant et à ses justifications pseudo-scientifiques.


🎥 Compléments audiovisuels

  • « Rousseau, le rêveur » (Arte, 2012) – Un documentaire clair et vivant qui retrace la pensée de Rousseau et sa postérité, idéal pour saisir son rapport à la nature et sa critique des arts.

  • « Darwin’s Dangerous Idea » (BBC, 2009, disponible en version française sous le titre L’Idée dangereuse de Darwin) – Série documentaire qui explique la théorie de l’évolution et ses répercussions scientifiques, sociales et politiques.

  • « Rosa Bonheur, dame nature » (France Télévisions, 2022) – Un documentaire consacré à sa vie et son œuvre, qui montre son engagement artistique et personnel en faveur du monde animal.




vendredi 26 septembre 2025

Jeu point Bonus du 26 septembre au 3 octobre 2025

 Si vous trouvez la réponse à cette énigme avant vendredi prochain, vous gagnez un point bonus.

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Quelle est le titre de cette célèbre gravure d'Albrecht Durer, visible en ce moment au Centre d'Art D'Escalades (CAEE) (réponse ici) ?




dimanche 21 septembre 2025

Le Néoplasticisme et De Stijl

 

Couverture du numéro 1 de De Stijl, octobre 1917
Emblème par Vilmos Huszar


Piet Mondrian, Lozenge Composition with Red, Gray, Blue, Yellow, and Black, 1925


Piet Mondrian, New-York city, 1942
Centre Pompidou, Paris


Théo Van Doesburg, Composition XI, 1917
Guggenheim NYC



Reconstitution d'un espace du salon de thé-pâtisserie de l'Aubette (S. Taeuber-Arp) Plus d'image de l'Aubette en lien


Escaliers de l'Aubette


Gerrit Rietveld, Chaise rouge et bleue, 1918



Sources de l'article